Au cours de ces douze années de vigneron, Julien Castell, homme pittoresque aux allures de « gentleman farmer », n’a eu de cesse de faire évoluer ses pratiques viticoles. Sa réflexion le pousse à mettre en œuvre un projet de recherche, étonnant et innovant, d’agroécosystème viticole. Loin d’être fou comme le savant, il s’engage dans une démarche clairement anticonformiste mais sincèrement authentique, plein de bon sens.
Dès le départ, il emprunte l’essentiel à la biodynamie, dans les vignes et au chai, ses vins sont d’ailleurs toujours labellisés Demeter, mais il délaisse petit à petit les énergies cosmiques pour recentrer son attention sur le sol, que dis-je les sols !
« Pour moi, le vignoble est un organisme vivant et autosuffisant qui porte en lui une forte biodiversité de faune et de flore. C’est un écosystème naturel. »
Le sol des vignes n’est pas travaillé, adieu le tracteur, adieu les moutons, bonjour le paillage ! Le sol des vignes est bien traité avec des infusions de plantes. Le sol des vignes est aussi partagé par d’autres végétaux comestibles comme des plans de tomates ou du basilic, peut être des melons, chacun participant au bien être de l’autre et à la constante régénération de la terre. Déconcertant, insolite, unique !
Mais pourra-ton mesurer cette heureuse singularité à la dégustation ? A force de maraîchage, ce viticulteur, ancré dans la terre, ne nous raconte-t-il pas que des salades ?
Le tour du domaine est terminé, Julien a beaucoup parlé ! C’est au tour des vins de s’exprimer !
A la dégustation 4 cuvées en rouge, un blanc et un rosé ! L’homme est généreux et l’ordre de dégustation n’a, évidemment, pas été respecté. Les rouges ont été servis en premier. Risqué ou futé ? Le vigneron a voulu montrer que son blanc et son rosé sont des vins solides, des vins de gastronomie supportant la comparaison avec les rouges. L’esprit du domaine, c’est aussi celui de Julien, un peu d’acidité n’a jamais fait de mal !
Au chai, c’est le minimum d’interventions sur les grappes entières, des levures indigènes pour la fermentation et pas ou peu d’intrants, un peu de sulfites pour éviter les défauts, des extractions douces, un élevage en foudre pour beaucoup de cuvées et une pépite « For my dad » pour goûter un mourvèdre sans barriques !
Trouver l’équilibre, retrouver la typicité des vins de Bandol, ses arômes, sans tomber dans l’uniformisation, voici l’enjeu de cet olibrius !
Buvons ! Ce sont les rouges qui ont retenu mon attention. 4 rouges et 4 personnalités différentes ! Aux extrémités : L’esprit du vivant 100% carignan, le « rigolo » de la bande comme l’a qualifié une dégustatrice avisée de notre fine équipe et Clos Castell 2015, le « charmeur », celui qui a réussi à faire oublier une rage de dents, mais dont le prix coûte un bras. Entre les deux, des sœurs « presque » jumelles, tout pareil , sauf qu’elles n’ont pas été élevé à l’identique. Cela arrive, au sein d’une même famille ! L’une a été en barrique, l’autre en cuve. Cœur de vigne est un Bandol, For My Dad est un vin de France !
Chaque palais fin donna son avis, le fruit l’emporta sur le bois pour beaucoup. Mais la finesse, la profondeur et la longueur étaient au rendez-vous sur les 2 cuvées. Il n’est pas dit que le match se joue pareil à la prochaine dégustation.
2 heures se sont déroulées. Pour ajouter une qualité à notre hôte, il n’y avait rien de mercantile dans sa démarche. La visite, la dégustation et toutes ses digressions furent gracieusement offertes, libre à chacun d’acheter quelques quilles pour le souvenir. Ce fut mon cas et celui de mes acolytes. 12€ pour l’esprit du vivant, 25€ pour le cœur de vigne 2015, 30€ pour le For My Dad rouge, 60€ pour le Clos Castell.
Rares ont été les visites de domaine si intéressantes ! Ici le vin partage l’affiche avec tout son environnement, du brin d’herbe, au plan de tomate, du chêne au frêne, du merle au lombric et ça lui réussit.
Les discussions sur le bien fondé de la démarche, sur le bon sens du bonhomme, sur ses contradictions, sur ses positions assumées mais peu consensuelles ont égrainé nos repas autour de quelques autres bonnes bouteilles. La qualité de ses vins n’a pas fait débat.
Merci pour ces moments, merci à Julien Castell, merci aux amis.
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